À l’occasion de la Japan Expo, nous avons pour rencontrer Kenji Kanno, le créateur de la saga Crazy Taxi. Avec lui, nous avons pu discuter du nouvel épisode, Crazy Taxi : City Rush, attendu en version finale pour les prochaines semaines sur iOS et Android. C’était également l’occasion de jeter un œil sur les origines de cette saga des salles arcades (puis de la Dreamcast fut un temps), et de nombreuses autres plateformes au fil des années.

Cet entretien a été réalisé le 4 juillet 2014.

Pour aller plus loin >> Entretien avec Stephen Yee de Sega USA, First Play de Crazy Taxi : City Rush PocketGamer.fr : Lorsque vous avez créé la licence Crazy Taxi, c’était à cause d’une mauvaise expérience avec un taxi parisien ?
Kenji Kanno : (rire) C’est en fait la première fois que je viens sur Paris, donc je n’ai pas encore eu de mauvaise expérience avec eux. À l’époque de la sortie du tout premier Crazy Taxy, je me souviens que de nombreux joueurs s’étaient levés contre la sortie de ce type de jeux sur consoles, disant qu’ils devaient rester sur bornes d’arcade. Près de 15 ans plus tard, quel regard portez-vous sur cet état d’esprit qui, force est de le constater, a profondément changé ?
Je ne regrette pas mon choix même si j’ai compris la réaction de ces personnes. Vous savez, je reviens d’une série d’interviews en Allemagne (l’interview a été réalisée durant un press-tour, ndlr), chez qui les salles d’arcade n’existaient pas. Il y avait donc un tas de gens qui n’ont pas pu jouer à Crazy Taxy, alors je suis très content de ces portages.

Avec le coût des développements qui explose, on a l'impression qu'aujourd'hui, il ne peut plus y avoir de grandes figures du jeu vidéo comme vous, Shigeru Miyamoto ou encore Hideo Kojima et que le domaine est figé dans une succession de suite ou de jeux du même genre. Quel est votre sentiment sur la situation du jeu vidéo aujourd'hui et sur le marché japonais en particulier ?
Oui, c’est vrai. Je suis cependant surpris que vous parliez des coûts de développements qui ont augmenté. Tout n’est pas qu’une question d’argent. On peut très bien faire des jeux amusants sans avoir un très gros budget, donc ça ne me dérange pas plus que ça. Parlons de Crazy Taxi City Rush. Après un portage du tout premier épisode, c'est le premier Crazy Taxi qui est développé en exclusivité sur les plateformes mobiles, pourquoi ce choix ? La marque n'a-t-elle plus sa place sur les plateformes traditionnelles ?
Comme j’en ai parlé toute à l’heure, c’était pour les gens qui n’avaient pas accès aux salles d’arcade, et c’est pour la même raison que nous avons choisi de proposer la licence sur les plateformes tactiles, car tout le monde aujourd’hui à un smartphone ou une tablette. Le choix est bon, car c’est l’occasion pour nous de toucher encore plus de monde qu’auparavant, sans doute même des gens qui ne jouent pas aux jeux vidéo en règle générale. Enfin, concernant la seconde question, j’en suis à mon troisième pays, et on me pose encore cette question, cela me donne des idées pour mon retour au Japon, je vais devoir y réfléchir (rire). Avec son arrivée sur iOS et Android, Crazy Taxi est devenu free-to-play. Depuis quelques mois, on sent que ce modèle, de plus en plus utilisé sur mobile, n'a plus vraiment la faveur des joueurs. Comment avez-vous travaillé sur la question lors de la conception de City Rush ?
Nous avons essayé de réfléchir à un système qui n’ennuie pas les joueurs, mais ce n’est en tout cas qu’un premier jet. En fonction de nos expériences et des retours de la communauté, nous effectuerons des changements. On ne sait donc pas vraiment comment le tout va être pris par ceux qui vont y être confrontés.

City Rush ne fait pas que bousculer son modèle économique, il modifie aussi son gameplay en profondeur, comment s'est déroulé le processus d'adaptation de la franchise aux plateformes mobiles ? Pourquoi avoir fait ce choix d'un jeu jouable à un doigt ?
On a voulu faire le plus simple possible par rapport à la plateforme. La chose la plus amusante dans ce nouveau jeu, c’est le fait d’éviter les voitures, on a donc réfléchi à plein de situations et on s’est dit que la technique du « one-touch » était la plus évidente. Avec cette arrivée sur mobile, Crazy Taxi est désormais développé par une équipe européenne, Hardlight, comment s'est passé votre rencontre avec cette équipe, et qu'est-ce que ça change pour vous ?
Au départ, c’était une réunion informelle entre moi et le PDG de Sega Network, et celui de Sega Europe. Nous avons commencé à parler d’un futur Crazy Taxi, et c’est là que l’idée d’une version smartphone, pilotée par une équipe européenne est arrivée. Avec Hardlight, le feeling s’est fait immédiatement. Est-ce que ça a changé ma vision des choses ? Non, je ne n’ai pas été surpris par leurs méthodes de développement. J’avais déjà eu plusieurs expériences par le passé, notamment avec les équipes de Sega Europe, mais ça m’a plu de travailler avec eux. Une dernière question, la force du premier Crazy Taxi, c'était sa bande-son, que pouvez-vous nous dire sur celle de City Rush ?
À l’époque du premier épisode, j’avais fait un choix de musiques qui me plaisait personnellement, j’étais jeune, je ne le suis plus vraiment maintenant (rire), si bien que j’ai demandé, pour Crazy Taxi : City Rush, au staff de Hardlight qui a aujourd’hui l’âge que j’avais à l’époque, de faire ce choix. Le résultat est très sympa, vous ne serez pas déçu, et puis dans tous les cas, vous pouvez toujours jouer avec votre propre musique. Merci.