On critique souvent les mauvais jeux monotones parce qu’ils nous font penser à cette triste routine de la vraie vie. La vraie, celle où on ne trouve pas de champignons pour grandir et où les méchants n’ont pas de têtes en forme de bumpers mais portent des costards et dont l’haleine fétide laisse échapper de subtiles fragrances de tabac et de café. Papers, please c’est tout à fait ça. Du travail monotone que l’on subit et que l’on fait bon gré, mal gré pour des gens que l’on déteste, et c’est fantastique. C’est un jeu rare et précieux, de ceux qui nous font réfléchir et ressentir des émotions que l’on n’éprouve que trop peu dans ce médium. Dans Papers, Please vous êtes le garde d’un poste-frontière d’un pays fictionnel nommé Arstotzka, qui rappelle la Russie de la Guerre Froide (le jeu se déroule au début des années 80). Dit comme ça, ça a l’air prometteur n’est-ce pas ? Mais Papers, Please n’est pas un jeu d’espionnage. Pas de poursuites acrobatiques sur les toits en maintenant un bouton enfoncé, pas de missions d’assassinat ou d’infiltration haletantes. Ici, il n’y’a rien d’autre que la bureaucratie, aussi absurde que froide et inhumaine. Tout le reste - l’intrigue, les personnages sombres, l’héroïsme - arrive autour de vous, car vous n’êtes qu’un pauvre type en uniforme qui essaie tant bien que mal de payer son loyer et nourrir sa famille. Votre mission est de contrôler les papiers des immigrants potentiels qui s’adressent à vous, qu’ils soient natifs d’Arstotzka, travailleurs, vacanciers ou simplement visiteurs. Vous devez vérifier toutes les informations dans leurs passeport, permis de travail, et autres documents.

Est-ce que tout est en règle ? Le visage correspond-il à la photo ? Dans les cas où on doute (et cela arrive très souvent), vous devrez utiliser un outil pour pointer les incohérences, interroger l’accuser et, fatalement sortir votre gros tampon rouge sur lequel est écrit la mention « Refusé ». Vous pouvez aussi les éjecter de force. La complexité de votre travail augmente très vite, et de nouvelles tâches sont rapidement introduites. Peu de temps après vos débuts, une attaque terroriste aura lieu à la frontière ce qui non seulement vous fera terminer plus tôt (et on repart à la maison avec moins d’argent) mais ajoute des procédures d’authentification plus poussée. Vous pourriez avoir besoin d’obtenir des empreintes digitales afin de vérifier si cette personne est bien celle qu’elle prétend être, ou alors demander un scan complet de leur corps (on peut désactiver la nudité dans les options, ce point ayant engendré une ridicule censure de la part d’Apple au point que le jeu a été un temps désactivé sur l’Appstore). De temps à autre, vous aurez l’occasion d’enfreindre les règles que ce soit pour des raisons morales ou pour votre profit personnel.

Mais à la fin de la journée, lorsque vous obtenez votre misérable salaire, chaque erreur sera comptabilisée. La santé de votre famille dépend de votre revenu, et il n’y’a JAMAIS assez d’argent pour la mettre complètement à l’abri. On jongle constamment entre la morale, l’argent et les conséquences politiques, et c’est génial. C’est difficile et parfois répétitif, mais cela reste très accessible et facile à jouer. A côté de ça, on retrouve une direction artistique très 8 bits avec des couleurs très ternes parfaitement dans le ton.