Il ne fait aucun doute qu’Aspyr a fait un très bon boulot sur la remastérisation de ce Fahrenheit dans cette version mobiles. La modélisation 3D et les textures sont plus fines que sur PS2 (et encore heureux), la maniabilité convient très bien aux écrans tactiles, et les petits ajouts pratiques comme les sauvegardes dans le Cloud sont bienvenus. Mais ce ravalement est-il suffisant pour craquer sur le deuxième jeu du controversé David Cage (connu pour les récents Heavy Rain et Beyond Two Souls sur PS3) ? Bien sûr, Fahrenheit était ambitieux et innovant en 2005, mais il avait aussi de nombreux défauts comme la qualité de son scénario, plutôt passable. Est-ce que les joueurs de 2015 pourraient avoir envie de s’y essayer ? Je serais tenté de dire non. L’histoire est souvent confuse et maladroite, le rythme bizarre et les dialogues parfois désespérants. Le genre de choses qu’on retrouve souvent dans les thrillers de série B qui remplissent les bacs de DVD à 5 euros.

Au début, c’est pourtant prometteur. Le jeu s’ouvre alors que Lucas Kane poignarde un type dans la salle de bain d’un diner mal famé, alors que New York est piégé dans un blizzard. Vous devez trouver comment cacher le corps et quitter l’endroit. Une scène pleine de tension dans une introduction audacieuse, magnifiquement enveloppée par la musique d’Angelo Badalamenti, le compositeur de la série TV culte Twin Peaks. Et puis on change de personnage et on réalise qu’on joue à la fois le criminel et les enquêteurs, ce qui engendre une dynamique assez fascinante où l’on tente de couvrir ses traces dans un chapitre, avant de les découvrir dans le suivant. Mais après ce démarrage intéressant, l’histoire se transforme en une succession de scènes toutes plus « what the fuck »  les unes que les autres. On est attaqué par des insectes géants, les personnages font des mouvements à la Matrix, sans parler des combats contre des dieux Mayas. Et si on peut être indulgent envers tout ce foutoir, est-ce qu’on peut mettre de côté les stéréotypes raciaux, la scène de sexe sortie de nulle part et les dialogues débiles ?

D’un point de vue gameplay, cela ressemble pas mal aux jeux Telltale. Ce qui est finalement assez logique vu que les productions de ce studio sont beaucoup inspirées des jeux de Quantic Dream depuis Jurassic Park en 2011. On se balade dans des environnements très cloisonnés, on choisit quoi faire et à qui parler pour faire avancer l’histoire et les réponses aux choix de dialogues doivent souvent se faire en temps limité. Mais le gameplay n’est jamais intéressant et semble souvent vain. Si cela passe dans les productions Telltale (qui savent écrire des histoires), il est ici très difficile de passer outre. Pour résumer, Fahrenheit n’est pas un bon jeu. Il a pu passer pour une réussite en 2005, quand cette approche du jeu vidéo était toute nouvelle voire « révolutionnaire » mais en 2015 il est pataud, ennuyeux et souvent embarrassant. Si vous pensez avoir de bons souvenirs sur ce jeu, Aspyr a fait un bon boulot de restauration. Mais si ce n’est pas le cas passez votre chemin, ça ne vaut clairement pas le coup. Et surtout pas à 10 euros.