Il y a quelques jours, l’App Store à fêter ses cinq années d’existences et nous avons voulu faire le point avec Sega sur son implication et les défis qu’il a dû surmonter. L’éditeur japonais a en effet été l’un des premiers à se lancer sur la plateforme numérique d’Apple, à l’époque où l’iPhone 3G venait de sortir, et où l’iPad n’était qu’un lointain projet au stade de rumeur. Pour mieux comprendre la politique de Sega vis-à-vis de l’App Store et ses différents choix en matière de jeux, nous sommes allés à la rencontre de Ethan Einhorn, Directeur des Opérations Online chez Sega of America. Et si vous ne l’avez pas encore fait, nous vous invitons à relire notre Top 50 des meilleurs jeux de l’App Store sur ces cinq dernières années.

Pocket Gamer France : Il y a 5 ans, vous avez été les premiers à vous lancer sur l’App Store avec notamment Super Monkey Ball. Que retenez-vous de cette période ?
Ethan Einhorn (EE) :
Ce fut une période très excitante avec beaucoup de perturbation dans l’industrie et c’était incroyable d’avoir un siège au premier rang. J’étais le producteur de Super Monkey Ball. Lorsque l’on m’a donné le projet, j’étais au sein de la division console, pas de la division mobile. On s’est dirigé vers mon équipe, car les spécifications de l’iPhone 3G étaient plus proches d’une PSP que d’un téléphone normal, et il n’y avait pas de problèmes de fragmentation à traiter. Nous avons eu très peu de temps pour terminer le jeu. Other Ocean, l’équipe de développement, a terminé une centaine d’étapes en moins de 60 jours. Nous avons tous travaillé pendant de longues heures, mais cela en valait vraiment la peine parce que nous avons tous senti que nous allions faire partie de l’histoire. Nous étions numéro 1 au lancement, et nous avons été la première entreprise à atteindre la première place sur l’App Store. Cinq ans plus tard, si on retrouve plusieurs de vos grosses licences (Sonic, Virtua Tennis…), vous en avez également profité pour lancer des jeux exclusifs, comme Kingdom Conquest. iOS est la meilleure plateforme pour imposer de nouvelles franchises aujourd’hui ?
EE :
Je pense qu’iOS est une plateforme formidable pour l’introduction de nouvelles marques. Les dispositifs d’Apple ont défini le marché de masse - il est facile d’atteindre les core gamers et les consommateurs ne s’identifient pas comme des joueurs sur ces machines. Mieux encore, sur le côté F2P, il n’y a pas de frais initiaux que les joueurs doivent prendre en compte, ce qui est fantastique quand vous construisez de nouvelles marques. Les gens n’ont pas à choisir entre le grand jeu sous licence ou la nouvelle marque intéressante : ils peuvent obtenir les deux gratuitement. Depuis son lancement, le modèle économique de l’App Store a changé avec aujourd’hui une mode pour les jeux free-to-play ou à tout petit prix. Cela ne dessert pas les jeux ou les licences lorsqu’elles sont proposées à moins de 5€ (ou gratuitement) ?
EE :
Le modèle F2P, lorsqu’il est proposé correctement, va construire la valeur globale d’une marque. Faire un grand divertissement gratuit vous permet d’atteindre le plus grand nombre et c’est le moyen le plus efficace pour construire votre marque. Regardez le Super Bowl. C’est un évènement qui capte la plus grande audience de la télévision aux États-Unis chaque année, et il est gratuit. Cela donne une image positive de la NFL. C’est le même principe dans le marché des jeux F2P, même quand il s’agit de grandes marques comme Sonic.

En parlant de grosses licences, outre de nouveaux épisodes (Sonic : Episode 4), iOS a aussi eu vos faveurs avec de nombreux portages de jeux Dreamcast ou plus anciens comme Jet Set Radio et Crazy Taxi. Quel bilan faites-vous de ces portages, en termes de ventes et de retour des joueurs ?
EE :
Ces titres ont fait un travail formidable, surtout Crazy Taxi. Je me souviens que pour importer Crazy Taxi sur Dreamcast, il fallait dépenser 60$, et maintenant, je peux avoir la même expérience sur mon smartphone pour moins de 5€ ! Apple et Google sont de fervents partisans de ces marques. Il y a un fort appétit autant sur l’App Store que sur Google Play pour les marques de Sega. Ces points de vente permettent aux gens de renouer avec des centaines des meilleures expériences vidéo ludiques très facilement. Comment se passe le processus de développement d’un portage ? Comment choisissez-vous les jeux qui feront l’objet d’une version iOS ?
EE :
À Sega, nous sommes des core gamers et nous avons de profondes connaissances dans nos différentes propriétés intellectuelles. Nous choisissons avec soin les classiques qui vont s’imposer auprès des joueurs iOS et Android. Nous soutenons nos instincts avec les commentaires des utilisateurs (via la communauté), faisons des études annuelles, et passons au crible les ventes unitaires. Bien sûr, nous considérons également soigneusement quelles sont les marques qui fonctionnent le mieux sur une plateforme tactile. Nous avons un certain nombre de studios avec lesquels nous travaillons sur des portages, à la fois des studios internes et externes. Par exemple : Crazy Taxi a été développé par Sega China, Sonic CD  est signé Christian Whitehead et Chu Chu Rocket a été fait par Binary Hammer. Sega a aussi eu un rôle d’éditeur sur iOS avec Hell Yeah ! Pocket Inferno, Jack Lumber, c’est quelque chose que vous allez réitérer par la suite ?
EE :
Nous avons bâti une relation solide avec la communauté indépendante, et nous avons tendu la main à des centaines de développeurs à petite échelle. Nous cherchons toujours des occasions pour nous lier avec des équipes de toutes tailles, et nous aurons quelques annonces intéressantes dans un avenir proche !

Depuis quelques mois, vous avez recentré votre stratégie sur la distribution numérique et le jeu sur smartphones et tablettes, en partie pour des raisons financières. Ce n’est pas quelque chose de difficile à appréhender ? Comment intéresser des joueurs traditionnels, jouant donc sur Xbox 360, WiiU ou PS3, à venir sur des plateformes tactiles, plus occasionnelles ?
EE :
L’expérience de jeu sur iOS et Android n’est pas nécessairement plus occasionnelle que sur consoles/PC. Kingdom Conquest II, par exemple, est beaucoup plus profond et plus complexe que n’importe quel jeu console que nous avons proposé l’an dernier. Jet Set Radio est tout aussi difficile aujourd’hui qu’à l’époque de sa première sortie. Il est logique d’adapter l’expérience d’un joueur, comme nous l’avons fait avec Sonic Dash, mais nous cherchons à maintenir un défi élevé pour les core gamers en nous assurant que l’expérience est accessible au plus grand nombre. Si l’on se projette dans les cinq prochaines années, comment voyez-vous le jeu sur mobile ? Pensez-vous qu’il puisse dépasser le jeu vidéo traditionnel à moyen terme ?
EE :
Je pense que le marché du mobile est très excitant et il va continuer à croitre. C’est tout numérique, toujours connecté, et il tient dans votre poche. C’est la définition du changement pour le jeu vidéo. Mais cela étant dit, les boutons ont encore de l’importance. L’expérience sur des écrans plus grands est encore importante. Les jeux « Premiums » ont encore un avenir. Je veux jouer à The Legend of Zelda sur WiiU, et Killzone sur PlayStation 4, et Kingdom Conquest II sur iOS. Il y a de place pour les deux. Et enfin la question traditionnelle : quels sont vos prochains projets sur iOS ? Côté portage et côté jeux exclusifs… On a vu la licence Total War arrive sur iOS, et récemment, vous avez racheté Relic et ses licences, doit-on s’attendre à une adaptation de Company of Heroes pour ne citer que lui ?
EE :
Il y a beaucoup de titres à venir dans les prochains mois dont je serai très heureux de discuter, mais je ne suis pas autorisé à le faire. Restez à l’écouter ! Merci !