Samedi, les kiosques recevront la visite d’un nouveau magazine papier dédié aux jeux vidéo. Un mois après le lancement de JV, place donc à GAMES Magazine - dès le 14 décembre - que nous avons pu découvrir en compagnie de son rédacteur en chef. A l'heure où la presse papier est en crise, que celle-ci ne s'est jamais aussi mal portée qu'en 2013, et que le jeu vidéo ne fait plus recette en kiosque, des challengers croient encore pouvoir se faire une place. Un pari ambitieux aujourd'hui incarné par GAMES Magazine, un nouveau titre qui ornera fièrement vos maisons de presse avec un premier numéro. Pour mieux comprendre la démarche, nous sommes parti à la rencontre de Jérôme Dittmar, rédacteur en chef du magazine, qui nous a ainsi tout raconté, le passé, le présent, mais aussi le futur de ce nouveau challenger qui compte bien proposer autre chose par rapport à une concurrence qui peine encore à convaincre (JV, Video Gamer...), et au web, où l'instantanéité de l'information fait loi.

« Un nouveau modèle qui fonctionne »

À cette question de l’intérêt de lancer un nouveau magazine, son rédacteur en chef, Jérôme Dittmar, nous répond : « On ne s’est pas posé la question. Il y a un an, nous avons lancé le projet et notre éditeur [2B2M, à qui l’on doit Chronic'Art, ndlr] nous a donné le feu vert, car il a trouvé l’équilibre pour que tout le monde soit payé correctement », insistant sur « l’opportunité de créer un magazine avec une ligne éditoriale que certains magazines de cinéma comme SoFilm ou Chronic'Art expérimentent depuis longtemps et qui fonctionne ». Du côté de l’équipe, même combat, il n’est pas question de grand nom de la presse papier vidéo ludique, mais plutôt de journaliste en provenance de la presse généraliste. « On veut s’adresser à des joueurs adultes, avec un contenu différent », précise Jérôme Dittmar, « l’idée, c’est quand même de jouer sur la proximité en allant le plus possible au contact des développeurs », « on avait par exemple l’idée de mettre un développeur en couverture », mais cette liberté assumée a tout de même ses limites, ce qui explique le personnage en couverture et non pas le dernier responsable artistique à la mode.

« Casser les mentalités de la presse jeu vidéo »

Y aura-t-il des tests ? « Oui », nous répond notre interlocuteur, « mais on préfère les appeler des critiques ». Des notes ? « Non. Je ne suis pas contre l’idée de notation, car après que la rédaction l'ait adopté pour tous les territoires (ciné, musique, livres etc) dans la version papier de Chro, j’ai trouvé que, en effet, ça permet de donner au lecteur une forme d’évaluation immédiate, sur une critique où le jugement n’est peut-être pas nécessairement clair. Du coup, plutôt que de mettre une note et d’être "le média qui met telle note à tel jeu", on a préféré proposer des tests clairs », mais ce qui est intéressant, c’est que contrairement à beaucoup de ses concurrents, GAMES Magazine ne met pas l’accent sur cette partie. Évidemment, il y a un bien un cahier critique, il est nécessaire, mais le principal objectif, c’est de pouvoir vivre le jeu vidéo de l’intérieur, d’une manière différente.

Une technique éditoriale qui n’est pas sans rappeler Edge ou Game Informer qui sont justement connu pour s’intéresser aux développeurs, à créer l’évènement avec des rencontres inédites : « Oui, on veut se rapprocher de ce modèle qui peut parfaitement s’adapter au public français, et qui permet de toucher d’autres personnes », énonce Jérôme Dittmar, « j’aime bien me dire que quelqu’un qui fouille de manière désintéressée notre magazine, et qui n’est pas forcément un joueur, tombe sur un article et qu’il se dise "tiens, ça m’intéresse, car c’est autre chose que ce que j’ai l’habitude de voir dans ce domaine" ». Et à la vue du sommaire, le pari semble véritablement cibler tous les publics, sans jamais rogner sur la qualité et les précisions de l’information, « ce n’est pas dans notre intention de survoler les sujets », conclut-il.

« Un sommaire du mobile au AAA »

Le sommaire parle de lui-même : il est évènementiel. En effet, le magazine arbore déjà une couverture dotée d’un superbe doigt flouté avec le gros titre Watch Dogs, on y trouve également une interview exclusive de Fumito Ueda, le papa de Ico et de Shadow of the Colossus, qui devrait sans aucun doute s’expliquer sur le devenir de The Last Guardian. Juste à côté, du Zelda et du Dark Souls 2. Juste assez pour nous donner envie de feuilleter. « Jouer sur la proximité », annonce Jérôme Dittmar. Et on peut dire que cette carte est jouée jusqu’au bout. Le magazine est ainsi divisé en plusieurs parties bien distinctes. La première sert de module d’entrée, on y trouve des textes légers, quelque chose de très visuel. Il y a également un débriefing, qui revient sur la sortie d’un jeu avec un développeur (ici, celle de Remember Me). Kickstarter est également à l’honneur puisque le magazine s’intéresse à Eric Viennot qui livre sa pensée sur son projet inachevé, Taxi Journey, on n’oublie évidemment pas l’increvable rubrique Business, qui analysera la campagne de pub de la PlayStation 4, du Retro et enfin le "Conceptor", qui revient sur les concepts les plus fous (et parfois les plus drôles) du jeu vidéo. Le jeu sur mobile n’est pas oublié. Une rubrique lui est justement dédié : appelez-là "Play Mobile", un jeu de mots qui fait rire Jérôme Dittmar qui nous précise que « le jeu sur mobile est aussi important qu’un AAA à nos yeux, si un jeu sur iPhone est excellent, on peut très bien lui accorder 6 pages », avant d’embrayer sur l’ultime rubrique de cette première partie et intitulée "A la Niche", qui, comme son nom l’indique, s’intéresse aux jeux de niche.

« Vulgariser intelligemment le jeu vidéo »

La seconde partie est la plus importante. Passé les sujets popcorns, on rentre dans le cœur du projet GAMES Magazine. On est accueilli par la rubrique "Play", qui parle de l’actu passée proche à celle qui va arriver. Enfin, le gros morceau est entre nos mains : un dossier de 10 pages pour décrypter un sujet, en l’occurrence Ubisoft. L’éditeur français s’est prêté au jeu du premier numéro pour ouvrir ses portes grandes ouvertes. Les journalistes de la rédaction ont ainsi pu découvrir l’envers du décor, celui qui justifie le prix de la boite que vous avez (ou aurez) peut-être entre les mains. On parle de Watch Dogs, d'Assassin’s Creed IV, mas aussi de Child of Light et de Soldats Inconnus. « On voulait une mise en page très aérée, mais avec de nombreux encadrés pour que le cœur du texte conserve tout son intérêt et que l’on n’ait pas besoin de détailler des choses en plein milieu d’un entretien. Il y a des propos rapportés, une douzaine d’interviews au total, c’est beaucoup de temps », mais aussi un vrai besoin d’informer les lecteurs autrement.

Il y a l’inévitable dossier next-gen : « on avait prévu de sortir le magazine plus tôt, mais c’est quand même une analyse intéressante moins sur les attentes. Il est question de faire le bilan et de voir les enjeux pour les éditeurs », tranche Jérôme Dittmar. David Cage s’offre une superbe illustration en pleine page représentant Ellen Page, héroïne de son dernier jeu vidéo, Beyond, tandis que le producteur de Battlefield 4 a aussi fait une petite virée. C’est aussi le cas de Eiji Aonuma, l’un des papas de la saga The Legend of Zelda, qui nous parle de la série et du dernier épisode, The Legend of Zelda : A Link Between Worlds. On note également la présence de Junichi Masuda, pour Pokemon X et Pokemon Y.

« Une vie de A à Z »

Toujours dans cette volonté d’être au plus proche de ceux qui n’ont pas l’habitude d’être sous la lumière, et de se libérer sans doute des chaînes du responsable presse ou du chef de produit, GAMES Magazine est allé s’intéresser au directeur artistique de Arkane. Le studio à qui l’on doit Dishonored, et qui est la propriété de Zenimax, porte un regard sur ses productions passées et à venir, mais également la concurrence au travers d’une passionnante interview de trois pages. « La section Work in progress apporte quelque chose de frais, j’en suis convaincu, puisque l’on a suivi Étienne Perrin, un développeur indépendant, dans le développement de son prochain jeu, on a des chouettes visuels, et c’est vraiment sympa de pouvoir vivre sa vie de A à Z », enfin, toujours dans une volonté de proximité, la rubrique Portrait de joueurs est justement là pour donner la parole… aux joueurs.

« Un accueil enthousiaste de la profession »

Pour conclure ce dossier, et avant de lui souhaiter bonne course, il nous a paru nécessaire de discuter des coulisses. En pleine crise de la presse papier, qui n’est plus beaucoup soutenue par la publicité, comment arrive-t-on à lancer un magazine aujourd’hui ? « On est confiant pour la publicité, évidemment, il n’y en a pas beaucoup pour ce premier numéro, mais on pense vraiment que ça va fonctionner pour justement rassurer », annonce Jérôme Dittmar, visiblement très confiant.

Et la profession dans tout ça ? « On est tombé sur des responsables presses vraiment très enthousiastes. Ça les arrange qu’un magazine papier parle de leurs jeux, car c’est une autre façon de consommer l’info. Chez Ubisoft, on a vraiment été accueilli par une super équipe qui nous a donné accès facilement aux développeurs. C’est sincère je pense, car on a réussi à s’entourer de gens respectés ». Pour l’attente des joueurs cette fois-ci, « On a vu qu’avec Canard PC, les gens étaient encore prêts à payer, et le papier est peut-être plus prestigieux que le web, moins instantané, car le numérique manque de rareté. Si un magazine papier reste banal, c’est suffisamment différent ». GAMES Magazine (bimestriel) arrive en kiosque le 14 décembre au prix de 5,90€. Une diffusion à 50 000 exemplaires est prévue pour le premier numéro.