Un froid vendredi matin de septembre, nous avons fait le déplacement jusqu’à Londres pour discuter avec deux développeurs responsables de l’une des franchises les plus populaires de ces 20 dernières années : Pokemon. En compagnie de Junichi Masuda, responsable chez Game Freak, et Hironobu Yoshida, graphic-designer sur la franchise, nous avons parlons de la difficulté de renouveler Pokemon, des deux nouveaux épisodes, et de la probabilité qu’à la série d’arriver sur mobiles ou en free-to-play. Pocket Gamer : Comment développe-t-on un jeu Pokemon sur 3DS en comparaison au développement standard sur DS ?
Junichi Masuda :
Comme la 3DS est plus puissante que la DS originale, les limitations précédentes disparaissent très simplement. Il y a beaucoup plus de possibilités, mais nous avons aussi beaucoup plus de travail. Un exemple simple, c’est le son. La technologie précédente nous amenait à créer une musique gérée par le synthétiseur de la carte son et il était vraiment limité. Cette fois-ci, nous avons pu proposer la musique telle qu’elle avait été créée au départ. Cela nous donne beaucoup plus de possibilités, mais nous devons aussi faire de la musique à la hauteur de la puissance de la nouvelle technologie justement.

PG : Oui, nous avons remarqué les améliorations musicales. Mais pourquoi ne pas avoir proposé les cris standards pour certains Pokemon et mettre pour les plus importants les cris de la série animée ?
JM :
Bien que tous les cris de Pokemon dans X et Y sont nouveaux, ils proviennent de la même base de sons que nous avions utilisés à l’origine. Avec Pikachu, nous lui avons cependant donné un traitement spécial, il n’est pas le seul Pokemon préféré des fans, mais il est mondialement reconnu comme le Pokemon le plus emblématique. PG : Qu’est-ce qui vous a conduit à faire revenir les trois Pokemon de démarrage d’origine, et peut-on s’attendre à d’autres retours du même type ?
JM :
Dans Pokemon X/Y, nous nous sommes concentrés sur le fait de rajouter beaucoup de créatures dans le jeu, c’est vraiment important pour nous. J’espère que les joueurs découvriront par eux-mêmes les surprises que nous avons rajoutées ici et là. Je suis un peu mystérieux, car c’est la première fois que nous faisons une sortie mondiale simultanée, alors que généralement la série est lancée d’abord au Japon, et les informations arrivent par la suite sur internet. Les fans des autres pays savent ainsi tout ce qu’il y a à savoir avant d’avoir eu la chance d’y jouer. Cette fois, je veux vraiment que chaque joueur trouve lui-même les cadeaux que nous leur avons réservés quel que soit l’endroit où il se trouve dans le monde. PG : Est-ce que ça veut dire que des anciens Pokemon importants seraient de retour ?
JM :
(rire) Peut-être… J’espère que vous arriverez à avoir la réponse par vous-même.

PG : Vu qu’il s’agit de la sixième génération de Pokemon, ne trouvez-vous pas qu’il soit de plus en plus difficile de concevoir de nouvelles créatures ?
Hironobu Yoshida :
Bien sûr, c’est un grand défi à chaque épisode de Pokemon, et nous avons 20 graphistes chez Game Freak, chaque jour, nous trouvons de nouvelles idées et de nouvelles inspirations. Donc à chaque fois que nous décidons de commencer à travailler sur un nouveau jeu, nous avons déjà un bon gros sac de bonnes idées. JM : (tapotant l’épaule de Yoshida) Même si [Yoshida] va dans un aquarium ou dans un zoo, il ne peut tout simplement pas passer un bon moment, car il est toujours à la recherche de nouvelles idées. HY : Même si vous prenez une grenouille comme source d’inspiration une grenouille, vous pouvez créer Grenousse ou Cradopaud par exemple. Il existe une variété d’idées différentes pour chaque Pokemon même s’ils sont créés à partir d’une seule espèce. PG : Quels sont les caractéristiques des précédents épisodes avez-vous reporté dans X/Y ?
JM :
Quelque chose que j’ai toujours apprécié, c’est la chance. Lorsque vous rencontrez un Pokemon, au lieu qu’il soit visible sur le terrain, vous devez être capable d’aller dans les herbes hautes en ne sachant pas ce que vous allez y trouver, et c’est vraiment passionnant. Cet élément, c’est le hasard, et c’est ce qui rend le gameplay si attrayant.

PG : Nous avons pu voir quelques images de combats aériens ou sous la forme de hordes, pourriez-vous nous expliquer comment cela fonctionne et où nous aurons l’occasion de les découvrir ?
JM :
Alors pour les combats aériens, vous pouvez y participer en trouvant des personnages que nous appelons des Dresseurs aériens. Ils sont situés en haut d’une corniche ou près d’un ravin, des endroits où vous ne pouvez par leur parler en face à face. Ça signifie que vous devez avoir des Pokemon de type Vol qui peuvent aller dans le ciel et venir se battre contre un adversaire au cas où la distance est vraiment trop importante. Ce que nous voulions faire, c’était vraiment de créer cette façon de donner des ordres de loin à son Pokemon, sans être forcément derrière lui donc, c’est quelque chose d’un peu différent. Quant aux combats sous la forme de Horde, leurs arrivées proviennent de l’un des dilemmes que nous avions puisque nous voulions ajouter des Pokemon sauvages difficiles à très haut niveau. Les Hordes sont justement là pour corriger ce dilemme puisqu’elles rendent soudainement le joueur beaucoup plus fort. Afin d’augmenter le défi dans une région et donner aux joueurs le sentiment d’être en danger, nous avons introduit des batailles contre de multiples Pokemon, sans pour autant connaitre leur identité au départ. Individuellement, ces Pokemon ne sont pas très difficiles, mais vous vous en attaquez un, ils vont tous vous attaquez et vous frapper plusieurs fois de suite si vous ne parvenez pas à réduire leur nombre rapidement. Cela ajoute de la difficulté et de l’excitation, mais les hordes encouragent aussi les joueurs à avoir un Pokemon qui peut frapper plusieurs adversaires à la fois. PG : Est-ce que cette volonté d’accroître la difficulté a justement eu un impact sur la décision de développer les Méga Evolutions ? Et pourquoi avez-vous décidé de ne les limiter qu’aux combats ?
JM :
Lors de la création de Pokemon X/Y, nous avions trois thèmes principaux. J’ai mentionné la beauté graphique un peu plus tôt, mais il y a aussi les liens entre les Pokemon et les humains, et enfin les évolutions. Les évolutions sont un thème déterminant dans la série Pokemon, et nous essayons toujours de proposer de nouvelles formes vraiment passionnantes quand elles sont vues pour la première fois. Cependant, nous avons introduit un nouveau niveau d’évolution pour les rendre tous plus forts, ce qui change complètement l’équilibre d’un affrontement. C’est pour cela que nous avons décidé de le limiter aux combats uniquement, et aussi de restreindre le nombre de Pokemon qui peuvent accéder à la Mega Evolution. Cela vous permet ainsi d’utiliser un autre élément très utile lors d’un combat : la profondeur stratégique. Si votre adversaire sort un Pokemon susceptible d’utiliser la Mega Evolution, vous devez réagir en conséquence, même si vous n’en avez pas vous-même.

PG : La Poké-Banque est un service payant, n’avez-vous jamais pensé proposer plus de micro-transactions ou rendre la série free-to-play ?
JM :
Ce ne fut pas le cas avec X/Y, nous pensons qu’il est très important d’avoir un jeu complet qui peut être utilisé comme tel, donc nous n’avons aucun DLC de prévu en supplément de l’aventure. PG : Ce n’est pas une idée pour les prochaines versions ?
JM :
(rire) Peut-être ! Mais pas tant que je serai le responsable. Une chose que j’ai toujours dit sur les jeux Pokemon, c’est que si vous voulez faire quelque chose que vous voulez donner à un enfant - même si l’on n’oublie pas les adultes bien sûr -, vous devez proposer une expérience complète. Personnellement, je pourrai facilement mettre le jeu dans une 2DS et le donner à un enfant en le laissant jouer comme il le souhaite. Mais je ne voudrai pas donner mon iPhone pour faire la même chose.

PG : Sur mobile, on peut trouver beaucoup d’hommages ou de copies de Pokemon, n’avez-vous jamais été tenté d’entrer dans ce monde au-delà de votre application Pokédex ?
JM :
Le Pokédex est un véritable compagnon de route qui se concentre uniquement sur des données et non pas sur du jeu. Personnellement, je ne pense pas qu’il soit logique de donner son téléphone portable à un enfant pour qu’il puisse jouer, je me sentirais mal à l’aise si je le faisais. Merci à Junichi Masuda et Hironobu Yoshida d’avoir répondu à nos questions.
Pokemon X et Pokemon Y sortiront le 12 octobre sur 3DS.