Quelques mois après un financement réussi sur Kickstarter, nous sommes partis à la rencontre des développeurs du prochain Dreamfall, à l’occasion du Rezzed Festival. Lorsque nous avons terminé l’interview avec l’équipe de Red Thread Games, Martin Bruusgaard a blagué en nous lançant un « high five your soul ». Spirituelle, cette affirmation résume la philosophie et l’attitude que l’équipe a montrée au Rezzed Festival qui s’est tenu le week-end dernier. C’est un trio de développeurs décontractés auquel on a à faire. Face à nous, Martin Bruusgaard (design director), Dag Scheve (scénariste) et Ragnar Tornquist (scénariste/director). Ils viennent tous du nord de l’Europe, difficile de faire plus froid. Avec eux, nous avons discuté des personnages de la saga qui reviennent, mais aussi de la façon d‘adapter un jeu comme Dreamfall Chapters sur mobiles, comment corriger les problèmes des précédents jeux, et pourquoi leur titre est proche du Trône de Fer.

Pocket Gamer : Dreamfall Chapters va donc sortir sur les plateformes mobiles. Uniquement sur iOS, c’est ça ?
Ragnar Tornquist (RT) :
Ce sera certainement sur iOS et Android. La seule chose dont nous ne sommes pas encore à 100% sûr, c’est de savoir si le jeu verra le jour sur Windows Phone. Nous n’avons pas encore décidé et nous sommes encore en train de travailler sur certaines idées, et nous ne savons pas exactement ce que nous allons faire sur mobile. Dag Scheve (DS) : Nous ne voulons pas faire un simple portage. RT : C’est ce qu’il faut retenir. Nous ne voulons pas simplement appuyer sur un bouton « convertir » et proposer quelque chose de bas de gamme, juste pour le faire tourner sur mobile. C’est possible bien sûr, mais nous voulons que le jeu fonctionne bien. Nous ne sommes pas forcément très intéressés par les petits écrans, nous sommes plus en faveur des tablettes. C’est parce que je pense que ce jeu sera meilleur sur une tablette de 7 pouces ou plus. Je ne vois pas très bien comment nous pourrions transférer la richesse du monde et sa narration sur l’écran minuscule d’un smartphone. Je pense donc que l’idéal serait de proposer une expérience sur un iPad, dans un avion avec des écouteurs, afin de fondamentalement détendre le joueur. Nous embarquerons l’ensemble du jeu PC, les 13 chapitres, sur mobiles, mais le jeu pourrait être un peu plus « divisé », et chaque chapitre du jeu dure de 45 minutes à 1h. Notre plus grand défi est de décider ce que nous allons changer. Je suis extrêmement opposé à l’utilisation d’un joystick virtuel. Je pense que c’est une façon horrible de jouer à des jeux sur l’iPad. Je préfère proposer un gameplay point’n click, ou contrôler la caméra avec deux doigt, ou autre chose. Vous avez dit que c’était une expérience zen, le mécanisme de la mort a donc été retiré ?
RT :
Il n’y aura pas de combat ou de passage en furtivité. C’est uniquement de l’aventure. Je ne dis pas qu’il n’y a pas de moments dramatiques dans le jeu, il y en a, c’est évident. La plupart de ces moments sont livrés à travers des conversations, avec une idée de menace imminente. Vous n’êtes toutefois généralement pas « stressé » quand vous jouez.

Est-ce l’histoire de April, ou celle de Zoé ?
DS :
C’est essentiellement la fin de l’histoire de Zoé. Nous terminons ce que nous avons commencé avec Dreamfall. Nous mettons un terme à ce que nous appelons le « cycle du rêveur ». Qu’est-ce qui vous fait penser que le jeu est universel ?
RT :
C’est un jeu avec de vraies personnes, de vraies relations. Il y a des relations amoureuses, des conversations quotidiennes normales aussi. DS : Et je pense que tout le monde aime les bonnes histoires. RT : Beaucoup de gens ont joué à Dreamfall avec leurs proches. Beaucoup de nos fans féminines nous ont dit : « J’ai joué avec mon père à l’époque », et qu’il est aussi rentré dans le récit. Certaines personnes se sentent très proches du jeu. Beaucoup de gens se sentent comme April Ryan, et c’est la même chose pour Zoé. Beaucoup de gens disent « quand je jouais à Dreamfall, c’est exactement où je me trouvais dans la vie. J’avais quitté l’école, je ne savais pas quoi faire. Je vivais à la maison… » DS : Ils peuvent se rapporter aux situations disponibles dans le jeu, ressentir de l’empathie pour les personnages. Comment réussissez-vous à équilibrer le réel et la magie ?
RT :
Je pense qu’avec The Longest Journey (le premier épisode, ndr), il y avait un très bon équilibre entre la normalité d’April dans sa ville, et le monde fantastique et sauvage, et les idées de science-fiction. Je pense que dans Dreamfall, nous avons perdu un peu de cette magie. À la fin de Dreamfall, il y a eu beaucoup de rebondissements, de sorte que nous ayons toujours quelque chose à raconter. En Arcadia, nous allons pouvoir proposer plus d’aspects de magies. DS : Dans Dreamfall, ce n’était pas uniquement un début normal et une fin magique, il y avait aussi un ghetto magique et un peuple magique, mais ce n’était pas vraiment poussé… RT : Zoé est en quelque sorte l’ancre de la saga. Elle est une personne réelle, elle est reconnaissable. Les gens peuvent s’identifier à elle. C’est tellement plus facile de proposer de la magie une fois que vous avez réussi à proposer quelque chose de réaliste. C’est en quelque sorte ce qui se fait dans Le Trône de Fer. Parce que les personnages, le cadre, les relations familiales et politiques sont réalistes, on peut accepter l’arrivée des dragons. Dreamfall Chapters est, d’un point de vue extérieur, un jeu produit grâce à des fans dévoués. Avez-vous pris en compte les avis des joueurs sur le précédent épisode (Dreamfall) ?
RT :
Oui et non. L’histoire ne sera jamais marquée par ce que veulent les joueurs, car nous avons une vision très claire de la narration. Cela ne veut pas dire qu’elle est restée figée durant la décennie et demie depuis que la saga à commencer. Parfois, les fans peuvent donner des idées sur des choses auxquelles nous n’avons pas pensé, et ils sont vraiment bons là-dedans. Nous trollons un peu les forums et le wiki pour voir ce qu’ils auraient oublié de l’histoire. Mais nous avons pris en compte certains retours. Les combats et la furtivité étaient deux points que les gens ne voulaient plus voir. Ce que nous avons vu sur Kickstarter, c’est que les gens veulent une histoire, et des défis intéressants. Ils veulent aussi les émotions et la magie des précédents jeux. Nous avons eu beaucoup d’idées folles avant de lancer le projet Kickstarter, et nous les avons petit à petit jetés à la poubelle pour revenir aux fondamentaux. DS : Nous gardons aussi des éléments pour d’autres jeux.

Comment avez-vous changé les mécanismes traditionnels du point’n click dans Dreamfall Chapters ?
Martin Bruusgaard (MB) :
Il y a un certain nombre de choses que nous avons fait pour modifier l’expérience traditionnelle du genre : tout d’abord, nous avons un mélange entre le déplacement dans un espace en 3D, et du point’n click old-school en 2D. Dès le départ,, vous avez une interface très minimaliste avec un curseur au milieu à la première personne. Mais si vous faites un clic droit, vous faites apparaitre un cercle au milieu, et vous pouvez interagir avec l’environnement. Vous avez n’avez pas à chercher le pixel important, il suffit de cliquer sur une zone et le personnage et cette roue d’actions, s’accrochera à elle. Deuxièmement, vous pouvez ramasser des objets que vous pouvez utiliser avec autre chose dans le jeu. Et nous avons voulu apporter une aide aux joueurs en indiquant les éléments à conserver dans l’inventaire. D’accord, c’est donc un peu plus simple ?
MB :
Oui, vous n’avez pas à créer un casse-tête dans votre tête pour trouver la solution. Aucun de nous ne pensait que cela améliorerait le gameplay et le rendrait bon. DS : Quand il s’agit de la narration, nous essayons de donner aux gens des choix graves, avec des conséquences réelles. Je ne dis pas que vous allez changer l’histoire. À la fin, c’est la même histoire pour tout le monde, c’est juste le voyage qui sera un peu différent. Dreamfall Chapters est actuellement attendu pour novembre 2014. Nous aurons l’occasion d’y revenir à de multiples occasions d’ici là.