À l’aube du lancement de Finding Teddy, nous avons pu discuter avec ses géniteurs afin de comprendre les prémices du développement, leurs différents choix, mais aussi  le concept du crowdfunding. Cela fait déjà plusieurs mois que nous gardons un œil sur Finding Teddy, et à raison, dans notre test, nous célébrons le retour du point’n click à l’ancienne. Julien Rocca et Romain Dubuc ont bien voulu se prêter au jeu de l’interview afin de répondre à nos différentes questions. Pour rappel, Finding Teddy est un jeu d’aventure peuplé d’énigmes et possédant un style rétro/pixel art particulièrement intéressant. Il met une scène une jeune fille à qui on a volé son ours en peluche et qui s’engouffre dans un monde fantastique. Finding Teddy sort vendredi 8 février sur l’App Store, il est universel et coûte 1,79€ (prix spécial de lancement).

 

Pocket Gamer France : Bonjour et merci de vous prêter au jeu de l’interview. Pourrez-vous nous présenter rapidement Finding Teddy et nous expliquer la genèse du projet ? Quelles sont vos inspirations ? Doit-on y voir une référence au Monde de Nemo (Finding Nemo en VO) ?
Julien Rocca :
Bonjour et pour commencer, merci de nous donner l’occasion de nous exprimer sur Finding Teddy. Le projet est né d’une manière assez simple finalement, j’avais ce jeu en tête depuis pas mal de temps, le moment était venu de le lancer et j’ai commencé à travailler tout seul dans mon coin. J’ai fait une petite vidéo de démo du jeu que j’ai montrée à Romain pour tenter de le convaincre et il a dit oui. À partir de là, on s’est tout de suite mis au boulot. Finding Teddy est un peu une synthèse de tous les jeux qu’on aime, principalement les point’n’click mais aussi des jeux comme la série des Zelda, Shadow of the Beast (Amiga), Sir Fred (Amiga). Principalement des jeux rétro.
Le titre fait effectivement bien référence à Finding Nemo, vous êtes les premiers à l’avoir remarqué ! Il était temps. :-)
Romain Dubuc : Bonjour ! Merci de votre intérêt pour Finding Teddy. Étant un nostalgique des jeux rétro, j’ai toujours voulu en créer moi-même dès lors que je me suis lancé dans le jeu vidéo. Mais deux obstacles s’étendaient sournoisement face à moi : les graphismes et la musique, m’empêchant de m’attaquer à ce type de projet en solitaire. Alors quand Julien m’a présenté sa vidéo démo de Finding Teddy, j’ai tout de suite été séduit par le concept et l’univers très proche des jeux sur lesquels j’ai passé tant d’heures étant gosse. J’ai donc accepté de le rejoindre sur son projet.
Bien vu pour la référence à Finding Nemo ! Il y a plein d’autres petits clins d’œil dans le jeu, on vous laisse les découvrir… Pour financer le projet, vous vous êtes tourné vers une plateforme de crowdfunding, que pensez-vous de cette nouvelle façon de développer les jeux ? Est-ce que c’est l’avenir du jeu vidéo indépendant ?
Julien Rocca :
Non, je ne pense pas que c’est l’avenir du jeu indépendant… Mais ça fera sûrement partie des solutions disponibles pour créer un projet. C’est une expérience stressante et en même temps très enrichissante. Dans notre cas je considère que nous avons eu pas mal de chance. Look At My Game nous ont laissé carte blanche sur le projet.
Romain Dubuc : Le crowdfunding permet à ceux qui ont une bonne idée d’avoir les moyens financiers de la concrétiser. En soit c’est une très bonne chose et certains projets n’auraient jamais vu le jour sans (le nôtre par exemple). Ce concept reste cependant très élitiste et s’il est facile sur certains sites de rassembler de faibles sommes,  les projets un minimum ambitieux nécessite bien plus et réunir de grosses sommes implique un minimum de puissance de frappe marketing. Les gens sont plus enclins à investir leur argent auprès d’un Shigeru Miyamoto plutôt qu’un John Smith, quand bien même ce dernier aurait un concept bien meilleur.

 

Comment ce sont déroulées les discussions avec Look at My games ? Globalement, pouvez-vous nous expliquer la démarche de déposer un jeu sur plateforme comme celle-ci ?
Julien Rocca
: En fait, j’ai envoyé une vidéo du prototype, quelques screenshots et une documentation générale sur le jeu à pas mal de plateformes de financement. Nous avons eu beaucoup de retours, mais le courant est tellement bien passé avec Look At My Game [l'éditeur, ndr] qu’on n’a pas eu à chercher longtemps. Ils ont compris dès le départ notre idée avec Finding Teddy.
Romain Dubuc : Je n’ai pas grand-chose à dire de plus que Julien. La team Look At My Game s’est montrée très compréhensive sur certains points, de très bon conseil sur d’autres, et nos échanges ont été aussi simples qu’agréables. Le projet était-il déjà bien avancé lorsque vous avez lancé la demande de fonds sur Look at My Games ?
Julien Rocca :
Pour le game-design oui. En fait sur le papier, le jeu était déjà presque fini. Par contre mon prototype était tellement nul qui a fallu repartir de zéro sur le plan du développement. Mais ça, Romain est plus habilité à en parler.
Romain Dubuc : Les mécaniques et énigmes du jeu étaient mises sur papier, ainsi qu’une faible partie des décors du premier niveau. Mais le prototype utilisé pour la vidéo démo n’était pas exploitable pour la version iOS. Tout a été repris à zéro au début du développement et je dois avouer avoir grandement sous-estimé la charge de travail que représente un tel jeu. Dès le début du jeu, on sent une véritable relation entre la petite fille et son ours en peluche, comment avez-vous développé l’aspect scénaristique de Finding Teddy ? Comment faire en sorte que le joueur s’attache à l’héroïne aussi facilement ?
Julien Rocca :
Si c’est ce que vous avez ressenti, alors nous avons réussi l’aspect le plus important à mes yeux. Nous avons beaucoup travaillé sur les animations, les expressions… C’était pour moi important d’animer Finding Teddy comme un dessin animé, c’est-à-dire images par images. Si le jeu est muet, ce n’est pas un hasard non plus et cela y contribue grandement.
Romain Dubuc : Un des éléments principaux pour retranscrire une émotion est l’animation. Le fait de voir les personnages bouger, marcher, tenir son ours dans les bras, etc., les rend plus vivants, et donc plus proches de nous. On aurait mis des screenshots avec un texte scénaristique à la place des animations, l’impact émotionnel sur le joueur aurait été bien moindre. Quant au fait que le personnage ne parle pas, il suffit de prendre exemple sur les Zelda, on s’identifie beaucoup plus au héros, car c’est l’imaginaire du joueur qui crée les dialogues et les pensées de Link.

 

Même s’il s’agit d’un jeu d’aventure en « point’n click », il y a aussi des éléments de « die & retry ». Comment faire en sorte que cet aspect ne soit pas frustrant pour le joueur ?
Julien Rocca :
Quand le joueur se trompe, il recommence au même endroit quelques secondes avant sa mort. Certaines énigmes sont vraiment difficiles vers la fin du jeu, si le joueur avait dû reprendre sa sauvegarde beaucoup plus tôt, cela aurait été beaucoup trop frustrant. Le but de Finding Teddy est avant tout de raconter une histoire.
Romain Dubuc : La mort n’est pas une punition en soit dans Finding Teddy puisqu’elle n’implique aucune perte de temps ou d’item, elle est plutôt psychologiquement gênante, tout comme elle peut être drôle pour certains. C’est ce que l’on retrouve dans Limbo et qui fait que l’on ne veut pas mourir. Visuellement, vous avez choisi d’utiliser la technique du pixel art, pourquoi ce choix ? Est-il plus facile de développer un jeu en 2D ?
Julien Rocca :
C’est loin d’être plus facile ! En fait c’est même assez galère sur le long terme. Je viens de l’école Amiga et Atari ST, j’aime vraiment le pixel art et je me sens à l’aise dans ce style. J’aimais bien l’idée de faire un Point’n’Click avec ce type de visuel. De plus, avec les outils actuels nous avons pu aussi ajouter des éléments graphiques modernes. Les gens aiment appeler ça le « néo-rétro ».
Romain Dubuc : Développer un jeu 2D et un jeu 3D est drastiquement différent et, contrairement à ce que l’on pourrait croire, en aucun cas l’un est plus facile que l’autre. Beaucoup de jeux 2D sont développés sur  des moteurs 3D, avec des graphismes 3D, seuls la caméra et les déplacements limitent le joueur sur deux dimensions. Et la traditionnelle dernière question : que prévoyez-vous après Finding Teddy ? Des portages sur d’autres plateformes ? D’autres jeux ? Une suite ?
Julien Rocca : Nous travaillons déjà sur le portage PC/Mac/Linux  pour les plateformes dématérialisées comme Steam par exemple. Si le jeu a du succès, des versions Android et Windows Phone sont aussi prévues. Mais ça, c’est finalement aux joueurs d’en décider.
Romain Dubuc : Nous prévoyons des portages de Finding Teddy, leur nombre dépendra du succès du jeu. Nous avons déjà commencé à réfléchir à nos prochains jeux, le choix sera bientôt fait. Et pour finir, nous avons aussi en tête des projets bien plus ambitieux que Finding Teddy, mais ils ne sont pas pour tout de suite ! Merci pour vos réponses.